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Winston Churchill, vu par les Allemands

Les Allemands, en ce début de Première Guerre Mondiale, ne sont pas tendres envers Winston Churchill. L'accusant d'incompétence, il prouva néanmoins par son opiniâtreté, ses capacités à combattre l'ennemi et à le vaincre 30 ans plus tard.

LES GÉNÉRAUX ANGLAIS

Illustrierte Chronik des Krieges

11/18/20256 min temps de lecture

Si l'on se demande lequel des hommes qui ont habilement dirigé l'Angleterre au début de la guerre est le principal responsable de la position perfide de la Grande-Bretagne, dictée par une cupidité brutale, il ne fait aucun doute que quiconque a suivi avec lucidité les intrigues de la politique anglaise ces dernières années citera, outre Sir Edward Grey, en premier lieu Winston Churchill, en qui se manifeste la traditionnelle brutalité de la diplomatie anglaise, qui ne reconnaît comme décisif que son propre avantage. Pour justifier ce jugement, il faut se référer aux discours prononcés par Churchill depuis sa nomination comme Premier Lord de l'Amirauté, discours dans lesquels il a souligné sans ambages que le fer de lance de l'armement britannique était dirigé exclusivement contre l'Allemagne. Même les idées provocatrices qu'il lançait si ostensiblement au monde recelaient des défis cachés. La fameuse idée d'une journée de fête pour la marine, destinée à accroître encore la supériorité navale de l'Angleterre, en est le parfait exemple. Ainsi, si le caractère de Churchill est clairement défini du point de vue allemand, il est tout aussi ambigu du point de vue anglais. Admiré, chéri et célébré par un camp, critiqué, ridiculisé et dénoncé comme un corrupteur de l'Angleterre par l'autre, ridiculisé dans les caricatures les plus incroyables devant le public, réprimandé et mis au pilori au sein même de son parti, traité de traître pour avoir rejoint le camp libéral alors qu'il y avait plus à y gagner, et pourtant à nouveau admiré et loué comme un pilier de la Grande-Bretagne pour sa conduite au pouvoir – tel est le caractère de Churchill tel que dépeint l'opinion publique anglaise et tel qu'il ressort de son histoire.

On sait peu de choses de la jeunesse de Churchill. Formé à l'Académie royale militaire de Sandhurst, il s'engage dans un régiment de hussards comme lieutenant à l'âge de 20 ans. Que la vie en caserne ne l'enchantât guère semble évident pour un observateur rétrospectif, tout comme le fait qu'il ait par conséquent saisi la première occasion de mettre ses compétences militaires à profit. Cette occasion fut la révolution cubaine de 1895, à laquelle Churchill, après avoir pris un congé, participa comme correspondant de guerre pour le « Daily Telegraphic », combattant aux côtés des Espagnols. Peu après son retour, la guerre mahdiste éclata au Soudan, et il se retrouva au sein des troupes de Lord Kitchener, à la fois comme combattant et comme reporter, se distinguant dans les deux domaines. Ces succès lui montèrent à la tête. À peine rentré en Angleterre, il prit la plume pour expliquer longuement au public que, si la guerre du Soudan s'était plutôt bien déroulée, tout aurait pu être mieux fait. Malheureusement, ses supérieurs n'apprécièrent pas cette remarque et l'officier réprimandé démissionna. La guerre des Boers, cependant, le ramena bientôt dans les rangs de l'armée anglaise, d'abord comme simple reporter, puis, par nécessité, comme soldat volontaire, et enfin, après un bref séjour comme prisonnier de guerre chez les Boers, comme officier réintégré de la Couronne britannique, dont il contribua à l'ultime « triomphe » par ses décisions, et dont il proclama la « gloire » en Angleterre.

De retour d'Afrique du Sud, Churchill quitta enfin l'uniforme militaire pour se consacrer au parlementarisme, qu'il considérait sans doute comme un domaine plus prometteur pour son esprit critique. En 1901, il entra à la Chambre des communes comme membre du Parti conservateur et devint rapidement la bête noire du Parlement, ne se souciant ni des usages établis ni de la discipline de parti. Quiconque tentait de se concilier ses faveurs se heurtait à son esprit caustique, et sa langue acérée n'épargnait personne, pas même son propre parti. Il était donc inévitable que des tentatives de discipline soient entreprises à son encontre également au sein du Parlement. Mais lorsqu'Arthur Balfour demanda le soutien du conseil du parti, Churchill, qui avait alors compris que les royalistes avaient trop de fautes sur la conscience pour se maintenir au pouvoir encore longtemps et qu'on ne pouvait rien attendre d'eux, embrassa le libéralisme avec enthousiasme. Il y fut accueilli à bras ouverts et ne tarda pas à siéger au premier rang. En 1905, sa disgrâce commença à se manifester lorsque le nouveau gouvernement libéral élu le nomma sous-secrétaire d'État au ministère des Colonies. Churchill s'adapta rapidement à ses nouvelles fonctions et son esprit d'entreprise, ainsi que son habileté à se mettre en avant, le propulsèrent bientôt au premier plan, faisant de lui le véritable chef du ministère des Colonies. Cette position consolida son autorité politique. Un projet de constitution généreux pour l'Union sud-africaine, publié en février 1909, lui valut la direction du ministère du Commerce, et de ce poste, il accéda à l'une des fonctions les plus importantes, mais aussi les plus dangereuses, que l'Angleterre pouvait offrir : Premier Lord de l'Amirauté, commandant la flotte de Sa Majesté, garante de la domination maritime. Dans les milieux concernés, cette nomination fut perçue comme une véritable faute. Le bureau de la marine était furieux d'avoir à sa tête un novice en la matière, quelqu'un qui n'avait pas la moindre compétence. Le parti libéral considérait cette nomination comme une erreur, tout simplement parce qu'elle constituait une insulte à l'Amirauté. Dans le camp conservateur, cependant, le déclin de l'Angleterre était pratiquement prédit, puisque Churchill, en tant que ministre du Commerce, avait été un ardent allié de Lloyd George, qui exigeait une réduction drastique des dépenses consacrées à la flotte afin d'utiliser les économies ainsi réalisées pour améliorer la situation misérable du prolétariat anglais.

À peine Churchill avait-il pris ses fonctions qu'il devint évident qu'aucun de ces préjugés n'était justifié. Il s'efforça d'acquérir l'expertise qui lui faisait défaut par une étude assidue des docks, des chantiers navals et des navires de guerre. Le succès était inévitable, car les erreurs qu'il avait commises au début se firent de plus en plus rares. Son franc-parler et son côté autoritaire, qui incitèrent toute l'administration navale à devenir bien plus efficace et fiable, forcèrent même ses adversaires à lui pardonner ses excès. Cependant, il décevait surtout le parti le plus impérialiste, car c'est exactement le contraire de leurs prédictions qui se réalisa. Churchill, fervent socialiste lorsqu'il était secrétaire d'État au Commerce, devint, en tant que Premier ministre et amiral, un impérialiste convaincu. Aucun de ses prédécesseurs n'a défendu avec autant de passion la suprématie absolue de la flotte britannique sur tous les océans du globe. Aucun n'a poursuivi cet objectif avec une telle ténacité, quitte à employer des moyens qui le justifiaient à peine. L'Angleterre lui doit l'essor de l'aviation navale observé ces dernières années. Il est le créateur du navire marchand armé, qui fait renaître l'ère de la course. Enfin, c'est lui qui a incité toutes les autres puissances à redoubler d'efforts dans la construction navale afin de pouvoir agrandir la flotte britannique.

Et lui, de concert avec Grey, déclencha la Première Guerre mondiale, censée renforcer la puissance commerciale de l'Angleterre. Selon Churchill lui-même, c'était le seul objectif poursuivi par l'Angleterre dans ce conflit. Elle voulait anéantir son rival allemand par la force des armes, car elle ne pouvait plus rivaliser pacifiquement avec lui. La presse anglaise indépendante qualifiait Churchill, à son poste, de plus grand danger menaçant l'Angleterre. Il représentait également le plus grand danger pour la Belgique, qu'il avait maintes fois séduite par de belles paroles jusqu'à ce qu'elle soit à l'agonie. Anvers, à elle seule, lui doit les horreurs du bombardement. Les autorités étaient prêtes à capituler lorsque Churchill arriva et leur promit son aide. Il n'aurait pu démontrer son incompétence militaire plus clairement qu'à travers le déploiement des troupes qu'il ordonna par la suite. Il envoya 8 000 fusiliers marins et volontaires de la marine contre l'artillerie la plus puissante du monde. 8 000 hommes, dont la plupart étaient pratiquement sans entraînement. Les officiers ne connaissaient aucun ordre par cœur. Les soldats reçurent leurs fusils de service pour la première fois la veille de leur départ au front. Les autorités militaires anglaises ont qualifié l'envoi de cette expédition d'assassinat prémédité. Il a été publiquement souligné que Churchill, par cette promesse d'assistance, avait largement outrepassé ses prérogatives, cédant encore à son ambition personnelle alors que l'existence même de l'Angleterre était en jeu. Churchill ne se laissera pas décourager.

Naïf et inexpérimenté en matière militaire, il semble croire qu'il suffit d'être Premier Lord de l'Amirauté, orateur et homme d'affaires pour mener des batailles et gagner des guerres. Pour nous, c'est précisément pour cette raison qu'il est un allié précieux, car un dirigeant incompétent est toujours le meilleur allié de l'ennemi.

Source : Illustrierte Chronik des Krieges, 1914

Traduit de l'allemand par Cl. He.