Les Forts mobiles
Les canons sur rail
SUR LE FRONT


Vue générale d'une batterie française sur rail en position de tir (canons en position de chargement). De droite à gauche : locomotive, voiture d'observation, premier wagon avec canon, wagon à munitions, deuxième wagon avec canon.
La concentration de toutes les pensées sur la guerre de revanche a conduit la France à consacrer la majeure partie des ressources disponibles pour la défense nationale à l'extension de la ceinture fortifiée menaçant l'Allemagne. La flotte et la défense côtière ont dû se partager le reste. Cette dernière a été négligée, car les forts et les batteries côtières modernes font presque totalement défaut sur la côte ouest de la France, même sur les sites particulièrement propices au débarquement. Ce fait a été si souvent rappelé à l'ordre aux autorités responsables lors des discussions sur le budget naval au Parlement qu'elles ont finalement décidé d'agir en 1913. Cependant, faute de fonds pour remédier en profondeur aux déficiences, une mesure temporaire a été adoptée, à première vue convaincante : des forts côtiers mobiles (plus exactement, des batteries ferroviaires) ont été construits, pouvant être déployés à tout moment sur les points côtiers menacés.
Le modèle utilisé était celui des wagons de chemin de fer équipés de canons, adoptés par les forteresses françaises pour le renforcement rapide de l'artillerie des ouvrages avancés particulièrement menacés et qui ont également servis avec succès lors des batailles actuelles autour de Verdun. Le train blindé illustré ci-dessus se compose de deux affûts de canons, de fourgons et de voitures d'observation. Il pèse 11,5 tonnes, équipage compris, ce qui permet de le remorquer facilement avec une locomotive.
Le modèle était celui des wagons de chemin de fer équipés de canons utilisés par les forteresses françaises pour renforcer rapidement l'artillerie des ouvrages avancés particulièrement menacés, et qui sont également utilisés avec succès lors des batailles actuelles pour Verdun. Le train blindé allemand est basé sur le modèle français tel qu'il figure ci-dessus.. Il se compose de deux affûts de canons, de wagons de munitions et de wagons d'observation. Son poids, équipage compris, est de 11,5 tonnes, ce qui permet son transport par locomotive. La voiture d'observation, blindée de plaques de 25 mm d'épaisseur et pouvant accueillir les 35 hommes de l'équipage, est située directement derrière la locomotive. Cela permet de la déverrouiller si nécessaire et de la déplacer vers un emplacement particulièrement adapté à la conduite de tir. Le poste d'observation se trouve dans la partie supérieure de la partie avant blindée, qui dépasse de la voiture et est construite selon le principe télescopique. La partie avant s'ouvre et se ferme à l'aide d'un treuil manuel. Les ordres sont transmis par téléphone.
Le magasin à munitions, également blindé de plaques de 25 mm d'épaisseur, est situé entre les deux affûts. Les quelques 100 kg de projectiles son soulevés de leur emplacement de stockage par une grue fixée au plafond et équipée d'une pince spéciale, puis déposés sur la goulotte de chargement visible sur les deux affûts, d'où ils sont transférés vers le chariot à projectiles. Le chariot porte-projectiles se déplace sur un rail circulaire, de sorte que les projectiles peuvent être amenés directement devant le port de chargement dans n'importe quelle position latérale du canon, après quoi une grue les soulève dans la zone de chargement.Les deux affûts de canon transportent chacun un obusier de 20 cm sur un affût rotatif, protégé par un solide bouclier. Le châssis de l'affût est constitué de deux bogies reliés par une plateforme encastrée. Deux robustes conifères en fer pivotant vers l'extérieur sont fixés sur le côté long de la plateforme. A leur extrémité se trouvent de solides boulons avec des plaques de base en fer, visés si profondément pendant le tir que l'affût repose non seulement sur les rails mais aussi sur le sol. De plus, deux boulons montés sur le côté étroit de la plateforme, tiennent une traverse en fer sur les rails. Ces dispositifs assurent le maintien ferme des canons pendant le tir.
Une condition essentielle à l'utilisation de forts mobiles est, bien sûr, la présence de voies ferrées sur le site. Pour leur défense, ces voies doivent être situées derrière des digues, des barrages ou des dunes, car les canons, dont la hauteur de tir atteint près de 3 mètres au-dessus du sommet des rails, ne pourraient autrement résister longtemps aux tirs. Les avantages particuliers des batteries ferroviaires sont cités pour leur robustesse et leur grande mobilité. Cependant, leur faible coût n'est possible que si le réseau ferroviaire est déjà en place. Si une gare ferroviaire doit d'abord être construite pour la batterie, ces coûts dépasseront dans la plupart des cas ceux d'une fortification côtière permanente. Les experts français considèrent la mobilité, qui permet aux batteries de changer fréquemment de position, comme la meilleure protection au combat, car elle rend leur ciblage ennemi plus difficile. Cependant, cela ne prend pas en compte la capacité des avions d'attaque à reconnaître rapidement les mouvements de la batterie d'un point à un autre du terrain. Même s'il était possible de placer une batterie sous le feu sans se faire remarquer et, en la déplaçant continuellement, d'échapper aux tirs ennemis, cela ne présenterait pas un grand avantage. La participation des forts mobiles à la bataille ne peut jamais être décisive, car leur réserve totale de munitions est limitée à 64 obus.
De plus, la portée et la puissance de feu des canons sont trop faibles pour repousser l'attaque de navires de ligne modernes équipés de batteries lourdes dont la portée est plus de deux fois supérieure. À cet effet, la construction de forts côtiers fixes, pouvant abriter des obusiers de gros calibre ainsi que des canons lourds, reste indispensable. Les batteries ferroviaires ne conviennent donc tout au plus qu'à la lutte contre des forces terrestres déjà débarquées, pour laquelle elles dépendent bien sûr du soutien de l'infanterie. Il est possible qu'elles soient également utilisées dans la guerre actuelle à l'intérieur du pays pour soutenir les troupes de reconnaissance, car leur mobilité les rend bien adaptées à cette tâche. Cela aurait été le cas, du moins à Verdun. Toutefois, ce type d'utilisation est rendu difficile par leur grande sensibilité, qui sera également gênante lors de leur utilisation pour la défense côtière
Un impact sur un wagon peut immobiliser l'ensemble du train, le rendant vulnérable à une destruction immédiate en raison de son faible blindage. La destruction des voies a le même effet. Un autre inconvénient est l'impossibilité de trouver immédiatement des remplaçants entraînés pour le personnel tué au combat. Cependant, en cas de pénurie de personnel, l'ensemble du dispositif est naturellement immobilisé. Il est évident que ces trains constituent les cibles idéales pour les projectiles largués par les avions. Il est donc peu probable que les Français soient particulièrement enthousiastes face à cette dernière prouesse d'artillerie.
Source : Hanns Günther, Illustrierte Chronik des Krieges, 1914
Traduit de l'allemand par Cl. He.


L'un des deux affûts de canon : à gauche la goulotte de chargement, à droite la barre à projectiles (Illustrierte Chronik des Krieges)






