Comment les avions allemands communiquaient-ils avec le sol en 1914 ?
Pendant la Première Guerre Mondiale, la télégraphie et la téléphonie filaires, parfaitement adaptées à la transmission de messages depuis des ballons captifs, sont évidemment exclues d'emblée. Les avions communiquaient d'une autre façon...
L'ARMÉE ALLEMANDE


L'étude des rapports de nos aviateurs sur leurs opérations révèle que leur mission principale n'est pas, contrairement à une idée reçue, le largage de bombes et l'engagement des avions ennemis, mais bien la reconnaissance aérienne. L'observation d'artillerie, qui consiste en une forme de conduite de tir depuis l'appareil, constitue une branche spécifique de la reconnaissance. L'aviateur survolant la position ennemie doit déterminer si la cible, généralement invisible pour la batterie de tir en raison du déploiement quasi systématique de la défense antiaérienne dissimulée, est atteinte.
Et sinon, il faut déterminer si les obus atterrissent devant ou derrière, à droite ou à gauche de la cible, afin que le commandant de batterie puisse ajuster la position du canon. La résolution de cette tâche cruciale exige la possibilité de transmettre des messages de l'avion au sol. Le pilote doit pouvoir communiquer ses observations au commandant de batterie. Cette capacité est également primordiale pour les missions de reconnaissance et de renseignement, car l'avion peut, si nécessaire, transmettre des rapports avant même son retour. C'est pourquoi les communications aéroportées ont fait l'objet d'une attention particulière dès le début, et de nombreuses expériences ont été menées pour trouver les méthodes les plus efficaces.
La télégraphie et la téléphonie filaires, parfaitement adaptées à la transmission de messages depuis des ballons captifs, sont évidemment exclues d'emblée. Mais même la télégraphie par ondes, pourtant considérée comme idéale pour l'usage prévu, est inutilisable, du moins pour l'instant, car la fixation des fils de réception et d'émission, c'est-à-dire les antennes, pose problème. Un fil pendant, forme de la plus simple antenne aéronautique, représente un danger important pour l'appareil à plusieurs égards, même muni de pointes ou de dispositifs de coupe automatique.
La communication optique s'est donc rapidement imposée : l'utilisation des ailes comme antennes, - solution envisageable uniquement pour les biplans et nécessitant leur métallisation -, limitait tellement la portée de la station que l'installation de l'équipement lourd et coûteux n'était pas rentable. Les signaux acoustiques, tels que les cris et les sifflements, ne pouvaient être utilisés que rarement, car ils n'étaient audibles qu'à courte distance. En revanche, les signaux optiques ont donné d'excellents résultats, ce qui a permis à la communication optique de s'imposer rapidement.
La fameuse boule rouge, en réalité une bombe fumigène peinte en rouge, que nos aviateurs utilisent, d'après la presse, pour signaler les positions ennemies, est un signal visuel. Cependant, seuls des messages prédéfinis peuvent être transmis de manière aussi simple. Si des messages variables doivent être transmis, d'autres méthodes doivent être employées. Il a été rapporté que les aviateurs français utilisent de la fumée ou des nuages de suie pour la signalisation. Ce système, inventé il y a environ deux ans par James Means à Bolton, fonctionne comme suit : un récipient contenant environ 20 litres de suie de lampe est fixé au fuselage de l'avion, son extrémité inférieure effilée débouchant dans le tuyau d'échappement du moteur. Il y a un curseur entre ce tube et le récipient qui ferme l'appareil lorsqu'il est utilisé. Mais si l'on tire sur le fil dont l'extrémité libre repose dans la main du guide ou de l'observateur, le curseur suit la traction et le récipient s'ouvre. En conséquence, une certaine quantité de suie tombe dans le tuyau d'échappement, qui est immédiatement expulsée et se transforme en un nuage noir dense derrière l'avion, selon que le coulisseau, qui est immédiatement rétracté en position fermée par le ressort lorsque la traction est relâchée, est maintenu ouvert pendant une période plus ou moins longue. De cette manière, de grands et petits nuages de suie peuvent être créés, ce qui nous donne les éléments du code Morse, dont les lettres sont constituées de points et de tirets. Ajoutons à cela que l'avion se déplace rapidement, que les nuages de fumée apparaissent donc à des endroits toujours nouveaux dans l'espace, comme sur une longue bande de papier remplaçant l'appareil Morse, et il en résulte que l'on peut ainsi transmettre n'importe quel message en langage clair ou chiffré. La question est de savoir si les signaux sont bien visibles et si les nuages restent suffisamment longtemps en place pour pouvoir être lus correctement. Cette question a trouvé réponse grâce aux essais réalisés en France à la fin de l'année dernière. Il a été constaté que les signaux sont encore clairement visibles à une distance de 10 km et que les nuages persistent pendant deux bonnes minutes, même par temps venteux, de sorte qu'ils sont encore visibles lorsque l'avion a disparu depuis longtemps à l'horizon. Le ministère de la Guerre français rachète alors le procédé et fait disposer d'un certain nombre d'avions de guerre équipés des installations nécessaires. Selon les rapports disponibles, le système semble également bien fonctionner dans la pratique. Un avantage particulier serait que l'ennemi ne peut pas interférer avec la transmission du signal tant que l'avion est dans les airs, une possibilité qui existe, par exemple, avec la télégraphie par ondes. Parmi les inconvénients on peut citer le fait que le procédé ne fonctionne pas la nuit et qu'il ne peut être utilisé que pour transmettre des messages vers le sol, sans possibilité de communiquer avec l'avion.
Il semble que l'invention de Mean ne soit pas utilisée en Allemagne. La raison en est probablement que nous disposons d'un moyen de communication encore plus performant entre les aéronefs et la Terre : le miroir de signalisation inventé par le professeur Donath, un physicien allemand. Cet appareil est un petit projecteur capable d'émettre des éclairs lumineux longs et courts. La source lumineuse est une lampe à incandescence Osram placée au foyer d'un miroir parabolique, dont le filament est chauffé par le courant à une température très élevée, proche de son point de fusion (2 800 °C). Par conséquent, l'appareil – dont l'efficacité lumineuse diminue très rapidement avec l'augmentation de la température – délivre une intensité lumineuse exceptionnellement élevée d'environ 10 000 bougies, malgré sa petite taille. Cependant, la forte charge exercée sur le filament provoque sa détérioration rapide, limitant ainsi la durée de vie de la lampe à 40 ou 50 heures. Comme la lampe peut afficher quelques milliers de signaux– ce qu'elle fait aisément avec cette durée d'éclairage –, ce point n'est pas particulièrement important. Lorsque le filament est grillé, la lampe est remplacée. Des ampoules de rechange sont disponibles à cet effet. L'alimentation de la lampe est assurée par une batterie à 7 cellules, un modèle d'ingénierie conçu spécifiquement à cet usage. Pesant seulement 4 kg avec son boîtier métallique, elle se transporte aisément dans un sac en bandoulière. Point essentiel, malgré ses orifices de ventilation, la batterie peut être retournée sans qu'une seule goutte d'acide ne s'échappe. Toutes les connexions sont réalisées grâce à un système étanche et antidéflagrant. Le dispositif de signalisation, relié à la batterie par un câble flexible, pèse 1 kg. Le poids total du système est ainsi si faible qu'il n'affecte quasiment pas la charge utile de l'aéronef.
Pour transmettre un message, le point de destination du signal est visé avec précision à l'aide d'un tube de visée situé au-dessus du miroir. Cette visée est nécessaire car la dispersion du miroir n'est que de 2 à 3 degrés. Une simple pression sur un bouton de la poignée de signalisation allume ensuite la lampe ; une brève pression produit un flash, une pression prolongée un flash long. Ces éléments peuvent être agencés en lettres et en mots selon l'alphabet Morse, permettant une communication aisée avec la station au sol. Naturellement, la transmission de messages à l'aéronef ne pose aucun problème avec ce système. Il suffit d'équiper la station au sol d'une batterie et d'un miroir, qui doit être clairement identifiée pour repérer facilement l'aéronef. La portée de l'appareil a été testée lors de nombreux essais menés sur l'aérodrome de Johannisthal. Ces essais ont démontré que le miroir fonctionne non seulement la nuit et au crépuscule, mais aussi en plein jour, même sous un soleil éclatant. Ce résultat surprenant s'explique par la température élevée de la batterie de la lampe, proche de celle du soleil, créant ainsi une source lumineuse qui ressemble à un fragment de soleil incandescent, mais parfaitement identifiable, détaché du disque solaire. Directement à côté du soleil, les signaux sont parfaitement visibles à l'œil nu, même à une distance de 8 km. La nuit, et avec de bonnes jumelles, la portée atteint 16 km. Le miroir de signalisation Donath est donc supérieur à l'appareil Russ à tous égards. Il présente notamment l'avantage de pouvoir émettre des signaux de nuit.


Si la transmission doit inclure non seulement des messages, mais aussi des croquis des positions ennemies, du terrain survolé, etc., les signaux visuels s'avèrent naturellement insuffisants. Dans ce cas, il faut recourir au plus ancien moyen de communication entre aéronefs et sol : le largage de messages. Des progrès ont d'ailleurs été réalisés récemment dans ce domaine. Alors qu'auparavant les messages étaient placés dans de simples enveloppes ou de petites pochettes – une méthode qui entraînait fréquemment des pertes en terrain difficile, de nuit ou par temps venteux –, on utilise aujourd'hui des dispositifs spéciaux. Ces dispositifs sont équipés d'un système d'allumage qui se déclenche à l'impact. Ainsi, le lieu de largage peut être rapidement déterminé de jour comme de nuit, quel que soit le terrain, même si le largage a lieu à plusieurs centaines de mètres du point de réception.
Source : Illustrierte Chronik des Weltkrieges 1914
Traduite de l'allemand par Cl. He.


